Hangzhou, les Chinois et moi
Mais c’est du chinois! Je ne comprends pas…
L’expression n’aura jamais autant porté son sens. Parce que j’ai déjà un pressentiment (ou plutôt, une vision) que je ne me rendrai jamais à ma guesthouse en transports publics depuis l’aéroport de Hangzhou, je me dirige illico vers la file de taxis. Je suis accueillie par un conducteur, qui sourit beaucoup mais ne dit pas grand chose. Je sors mon morceau de plan ridicule et il hoche la tête comme si je me rendais à l’évidence même. En quittant l’aéroport il me demande en chinois de revoir mon plan. Je ne comprends pas un mot de chinois, et lui d’anglais. Il s’avère qu’il ne comprend aussi rien à mon plan, et moi rien à ce qu’il hurle sur un ton assez inquiétant en donnant parfois des coups à son véhicule. Dans quoi tu t’es encore fourrée, Corinne? Après quarante-cinq minutes très longues à écouter le conducteur vociférer sans pause et à me demander où j’allais atterrir, un miracle se produit: c’est Q-House, la guesthouse que j’avais réservé un peu à l’arrache en me servant de Google Translate. Une victoire improbable. Je tends des billets au conducteur qui se calme illico, mais je n’ai pas de petite monnaie: il me fait cadeau du change avec un sourire qui semble forcé.
Google Translate, mon ami
Ma guesthouse à Hangzhou est jolie, proprette, bien située et regorge de bonne humeur, mais… Personne ne parle l’anglais. Il faudra sans doute faire avec le voeu de silence involontaire durant quelques jours. Je serai néanmoins surprise en bien!
Le staff est très amical. Ces jeunes passent facilement des heures sur Google Translate avec moi et, à force de phrases mal traduites, gestes, dessins et sourires, je m’attache à ces gens qui représentent maintenant ma nouvelle vie et qui m’accueillent comme si j’étais leur cousine arrivée d’un pays lointain.
Au jour 1, j’arrive grâce à leurs efforts à me procurer de la poudre à lessive, une bassine, et même de l’eau potable: premières ébauches de communication avec mes amis Chinois, check!
Je lave mon linge à la main sur le toit de l’hôtel et je me sens bien, sous le soleil cuisant et citadin de Hangzhou avec l’odeur fraîche de la poudre à laver sous le nez. Je ne cherche pas trop à comprendre pourquoi, mais je me sens complètement dans mon élément. Peut-être un retour à une simplicité qui m’avait manqué (si je l’avais jamais connue).
Ma première chasse à la bouffe chinoise
J’étais un peu inquiète à force de tous les stéréotypes dont on m’avait bassiné avant le départ: « Les Chinois ils mangent n’importe quoi! ». Et en voyageuse débutante (et mangeuse avec particularités), cela m’avait un peu effrayé.
Drillée d’avance sur l’importance d’obtenir des menus imagés, histoire d’avoir au moins une vague idée de ce qui pourrait me passer par la panse, je pars donc à la quête de provende, courageusement armée d’un vélo sans vitesses (je félicite ma gestuelle italienne, un atout décidément incroyable lorsqu’on ne parle pas une langue).
Après m’être fait menacer par les klaxons de quelques bus aux conducteurs surexcités pour avoir trop longtemps traîné sur leurs bandes d’arrêt, j’atteins la ville. Je me balade entre les fausses enseignes françaises (« le briioche doré ») et les incompréhensibles signalisations chinoises.
Un pique-nique au lac, mais avec fond sonore
Au lac, il y a une foule de touristes qui, l’on me dira plus tard, arrivent principalement de la Chine, la Corée et le Japon. Les alentours du lac de Hangzhou sont sublimes, d’un raffinement rare et je m’y sens un peu comme une extra-terrestre pataude.
Les hauts-parleurs diffusent une musique bien chinoise et excessivement répétitive dans tous les buissons du parc (impossible à esquiver!).
Je prendrai mes boules quiès demain je crois. Mis à part la nuisance sonore, je mange tout du regard. Excitation totale! Et à la nuit tombée, je retourne à mon nouvel home sweet home chinois.
Quand tu ne sais pas demander ce qu’il y a dans ton plat, mange et tais-toi
J’ai finalement réussi à me nourrir. Mais tout de même, ça n’a pas été simple. Mine de rien, ils sont peu nombreux, les marchands qui proposent un menu en couleurs, avec des photos.
De retour à la guesthouse, je rencontre un nouvel arrivant: un professeur Chinois qui parle l’anglais. Excellent, je vais pouvoir composer des phrases complètes… et les Chinois aussi! Je prends une bière avec l’équipe, et il assure la traduction pour tout le monde.
Ils me proposent de dîner avec eux, le soir. Le repas me semble de fête, mais en fait c’est le standard ici on dirait. Je n’ai absolument aucune idée de ce que contiennent tous ces plats… et on ne me le dira pas. L’aventure commence pour de vrai!
Tout est absolument excellent, y compris les oeufs de cent ans et le tofu fermenté (ou tofu puant) (que je n’identifierai que des mois plus tard), des mets qui font frissonner de dégoût moult touristes.
Je m’attarde avec eux, à table. Ils entament une bière locale et m’offrent de leur précieuse boisson, me servent, me re-servent, et me servent encore. Ils m’avouent vouloir voir jusqu’où je peux aller! Leur stéréotype, c’est que les occidentaux boivent comme des trous.
Tout le monde est pompette sauf moi: essayer d’attraper des cacahuètes mouillées dans du vinaigre avec des baguettes me tient sans doute en état d’alerte.
Je passe ma soirée là, avec leur présence enveloppante et nos bribes de communication et j’adore ça, c’est puissant: on la casse, la foutue barrière linguistique.
Ils réitèrent et m’invitent au petit-déjeuner le lendemain, et puis au barbecue, et encore une fois au dîner (avec des plats tout différents). Et puis les bières, encore et encore!
La tradition du thé (et mon baptême chinois)
Le lendemain soir, un couple s’invite à la guesthouse pour de courtes vacances dans le calme de Hanghzou. Lui est américain, professeur d’anglais en Chine, quant à elle, elle est d’ici. Ils se sont vus, se sont plu, et ont décidé d’apprendre ensemble la langue de l’un et de l’autre. Et ça a plutôt bien fonctionné!
Il y a aussi un ami chinois de la manager, qui nous fait goûter à la tradition du thé Oolong. Il installe, entre les bières, un set à thé qui, pour mes yeux ignares, ressemble à une dînette très raffinée. Il nous fait sentir le précieux herbage, qui n’infusera pas plus de sept minutes, et pas plus de sept fois. Une fois le temps écoulé, il verse le contenu dans un bol, avant de le répartir entre les hôtes. S’il servait les hôtes l’un après l’autre, le dernier recevrait un thé trop infusé. Intriguée par cette minutie, je pose mes lèvre sur la minuscule coupelle qui fait office de tasse. Délicieux!
On change mon nom, ce soir-là. L’original? Trop compliqué. Je m’appelle désormais quelque chose qui ressemble à joie, ou bonheur. Mais si je le prononce mal, ça devient peau de canard.
Lire la suite: Quelques caractères chinois vous sauveront!
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(8 commentaires)
Sympa ces rencontres… surtout quand on sait que ce n’est pas évident de vraiment « rencontrer » des Chinois, à cause de la barrière linguistique & culturelle…
Et ton prénom se prononce KeXin et signifie en effet un truc du genre « qui peut être heureuse », « qui est heureuse »… Chouette !
Je me suis super attachée à eux. Pour le nom, c’est ce qu’ils m’avaient expliqué plus ou moins, mais j’oublie comment le prononcer à chaque fois :D dur dur! Peut-être que je vais apprendre un peu de chinois maintenant que je suis à Taiwan.
Bien sympas tes rencontres… et le tofu puant fait partie des mets inavouables que je brûle de goûter ;)
Bonne continuation,
NowMadNow
J’aime bien le goût, en plus. C’est vraiment pas mauvais! Mais il faut aller en-deça de l’odeur pour sûr :p Chine/Taiwan prévus?
Pas du tout une légende pour les asiatiques…. je ne sais pas si c’est une histoire de gènes ou autre chose (oui je suis bulle en science), mais aucun de mes amis asiatiques ne tient bien l’alcool!
Il est vrai que manger des cacahuètes à la baguette demande une certaine dextérité mais personnellement, suite à un séjour de 10 jours en Chine, je n’ai plus la moindre difficulté à réussir ce qui peut passer, aux yeux de nombreux occidentaux, comme un tour de force ! Pour le gène asiatique, une amie suivant des études de médecine m’a récemment confirmé qu’ils sont effectivement génétiquement prédisposés à ne pas tenir l’alcool, même si comme toute prédisposition génétique, on trouve toujours des individus qui y font exception.
çà a pas du être facile tous les jours.
Mais tu es toujours en vie et a vécue des moments inoubliables !
Je t’envie :p
Jolies photos ! Hangzhou est magnifique. Vous auriez tort de faire l’impasse.
Il y a un dicton Chinois qui dit : « Dans le ciel il y a le paradis, sur terre il y a Hangzhou et Suzhou »…. à bon entendeur